LDV
fused glass, metal wire, 14cm, 2024
Les écuelles de l’espérance
Jean-Louis Poitevin
Projet commissionné par Luigi de Vecchi
Relais Villa Lina, Ronchiglione
10 novembre 2024
Disques lancés d’un ciel tardif vers des hommes en proie au doute, ces petits cercles aux contours instables, tranches de soleil à peine refroidies par leur voyage à travers le cosmos, viennent se poser dans la main de l’attente et attirer les yeux qui s’y découvrent voyants.
Ces œuvres circonstancielles de Vittoria Gerardi inscrivent l’image d’une genèse heureuse dans le magma de la matière. Cuites dans cette pâte de verre de Murano, des formes semblent se réveiller sous nos incertaines caresses.
Ici, en cet instant de la découverte, le temps coagulé est saisi à l’instant de son éveil. Qu’il n’ait plus rien à voir avec les temps des horloges ni avec celui des souvenirs, chacun le pressent.
Chaque « soleil cou coupé » qui tremble ici dans la main qui l’accueille est fait avec la matière même des sentiments qui n’existent que de s’imprimer dans la chair.
Chacun de ces cercles magiques porte en lui des formes affirmées quoiqu'indécises. Ce sont des gestes et des mots métamorphosés en fleurs inconnues, en animaux imaginaires, en lignes et en formes disant la vie telle que le ventre des pierres a pu en inventer dans le grand moment du chaos de la naissance des mondes.
Chacun, à peine accoutumé à sa tranche de soleil tiède, remarque qu’elle est comme traversée d’une fêlure énigmatique. On dirait que deux mondes se font face, comme se regardent sans jamais se voir les deux hémisphères de nos cerveaux avant qu’ils se mettent à creuser chacun leurs galeries au gré du système nerveux qu’ils hantent, et de les inscrire dans la trame de la chair.
Ici, dans ces œuvres de Vittoria Gerardi, les figures de la nuit qui précède toute existence sont mêlées à celles de la vie qui va naître. Chaque forme, reliée à d’autres aussi incertaines qu’elle, constitue un cœur qui représente ce que les hommes toujours tentent de figurer et qui toujours leur échappe.
Mais aujourd’hui, par le miracle de l’art et de l’amitié, il est possible de tenir ce mystère dans le creux de sa main et ainsi d’aborder les rivages d'une expérience poétique.
Ici, l'espérance s'approche du mystère et laisse creuser ses galeries dans nos cœurs. Car le mystère, celui de l’amitié comme celui de l’amour par exemple, ne demande pas à être dévoilé mais à être « joué », vécu, accompli. Ce mystère est aussi celui de l’art qui comme chacun en fait soudain l’expérience consiste en un geste qu’il ne peut s’empêcher d’accomplir : la présentation à la lumière de l'image en gestation dans la matière en un geste d'offrande accomplissant la transformation de l'instant en durée vivante.
Et chacun est devenu voyant car son œil s’illumine de l'éclat du reflet d'une lumière disparue dans cette écuelle de l’espérance soudain plus immense qu’un ciel peuplé de pensées et de rêveries partagées.